Le stage de cirque est terminé.
Hier était la dernière journée, la plus intense, la plus difficile.
La tension était montée d'un cran

, les enfants savaient que les parents allaient venir le soir pour le spectacle final, les "grands" le savaient aussi...
Mon petit gars avait une agressivité latente, ses gestes étaient plus désordonnés, ses crispations nombreuses, il valait mieux autant que possible lui laisser un espace de liberté pour se ressourcer.
Sauf que... certains adultes ne le comprenaient pas et que leur volonté de tout maîtriser pour que ce soit parfait ne faisait qu'amplifier les choses.
Je n'ai pas été là tout le temps, puisque j'ai du rentrer chez moi en début d'après-midi.
Revenue vers 16h, j'ai vite compris que ça allait être difficile pour lui...
Le petit bonhomme avait mordu violemment mon amie psychomot, la seule personne qu'il acceptait parce qu'elle savait l'écouter...
Au milieu des cris et des coups de pieds

, il venait me serrer dans ses bras, fort, fort, comme pour me dire que c'était trop dur pour lui.
Les parents sont arrivés, on avait mis tous les enfants dans les coulisses, heureusement pas dans le noir, et ils ont attendus plus d'un quart d'heure comme ça, avant le début du spectacle.
La musique, les lumières

, les applaudissements, les costumes et la mise en scène créaient un vrai spectacle de cirque, mais comme c'est difficile aussi pour des enfants qui appréhendent le monde au travers de leurs handicaps...
A l'autre bout de la piste, je faisais mon travail de photographe, le mieux possible, mais tendue aussi, et surtout espérant que tout se passe bien.
A un moment, j'ai réalisé que mon petit gars n'avait pas fait le numéro sur la boule, et qu'on l'entendait crier dans les coulisses.
J'ai tenté du reiki à distance

, et dans mon désir que tout se passe bien, j'ai mis trop d'attente, trop d'intention.
Ça ne collait pas.
Alors, mes deux appareils-photos sous le bras, je suis passée dans les coulisses entre deux numéros..
Tordu de rage, dans les bras de mon amie psychomot, il hurlait sans fin.
J'ai posé mes mains, j'ai "posé" mon regard, rien en changeait.
Et puis, sans réfléchir, j'ai "posé" aussi mon souffle sur son visage et nous étions deux à souffler doucement.
Et tout s'est arrêté dans la seconde...
La fraîcheur de l'air, associée au reiki qui passait peut-être aussi, a permis qu'il lâche enfin.
Son corps s'est tellement détendu qu'on a cru qu'il dormait, pourtant des petits soubresauts épileptiques le secouaient partout et il regardait.
Il y a eu une grande émotion à ce moment-là...
Le final arrivait, il fallait poursuivre, les adultes, y compris moi, devions faire une pyramide, tout s'est passé normalement.
Il n'y a pas eu de crise d'épilepsie, et pour les derniers applaudissement, il avait le sourire, un vrai sourire.
Le stage est terminé,
je ne reverrai sûrement jamais ce petit prince.
Mais tu as raison Annie, ce qui s'est passé avec lui est une rencontre qui compte, pour nous deux, pour mon amie psychomot qui envisage le premier degré maintenant, pour les autres encadrants qui ont vu ce qui se passait.
Alors, même si sur ce coup-là, encore une fois, je n'ai pas été payée, j'ai récolté une immense richesse de cœur

.
Le reste importe peu.
Ah si, quand même : même si le droit à l'image m'interdit de vous les montrer, j'ai aussi fait de belles photos.
Merci Sam, Tara, André, Annie, Aria, pour vos paroles

qui m'ont portée avec tant de douceur.
Camino (ö)