Bonjour
Merci Tara pour ce sujet et l'image très évocatrice du voilier qui passe d'une rive à l'autre
Sujet confrontant que celui de la mort... d'autant plus confrontant qu'il est une étape que chaque être humain traverse un jour seul. Notre société qui se dit moderne et évoluée est sans doute celle qui vit le plus mal cette transition. Si l'on observe ce que certains appellent les peuples primitifs, on constate que la mort est vécue comme une naissance, un événement important et souvent festif.
Notre refus de la mort est sans doute lié à notre mode de vie qui en a fait un tabou, une idée à laquelle il ne faut pas penser parce que ça n'est pas le moment. Alors cette idée on la repousse, on l'ignore, on tente de l'oublier, de la gommer... jusqu'au jour où... il faut franchir le pas. La mort est dans notre société un échec qu'il faudrait repousser le plus loin possible, comme si le but premier de la vie était de mourir vieux... la quantité plutôt que la qualité !
Je reste convaincu que régler ses comptes avec la mort permet de vivre beaucoup plus léger. S'accrocher à son corps amène aux pires aberrations parfois obsessionnelles. La vie terrestre n'est pas une fin en soi et à force de penser freiner cette échéance, on oublie qui l'on est tout simplement. S'accrocher et s'identifier ainsi à notre "véhicule" est une manière de mourir un peu en tentant de figer la vie...
Traverser la vie comme des vacances sur terre n'est-il pas merveilleux ? Les vacances ont ceci de merveilleux qu'elles ne durent pas. Trois jours de vacances peuvent être parfois tellement plus intenses qu'un mois. La durée importe peu finalement...?
Mon mois préféré est depuis toujours celui de septembre, le début de l'automne, cette douceur enveloppante, rappelant que la nature s'endort et achève progressivement son cycle. Les feuilles se colorent, marquant la fin de leur vie, parant la nature de couleurs si joyeuses, lumineuses, chaleureuses... La mort devrait être une réjouissance, la joie de retourner chez soi après avoir traversé une existence.
J'ai côtoyé des centaines de personnes de tous âges ayant franchi l'autre rive à ce jour, certaines durant quelques minutes et d'autres durant des années. J'ai eu avec certaines des échanges tellement intenses et profonds, mais je me suis toujours senti léger et réjoui au moment du départ. Le corridor de l'unité de soins palliatifs était à mes yeux cet aéroport où les gens transitent afin de rentrer chez eux. Chaque chambre de ce couloir était un terminal où régulièrement s'envolait un long courrier disparaissant dans un ciel immense. Voilà cette belle image qu'il me reste de six ans d'accompagnement
Je ne suis pas pressé de rentrer chez moi et à la fois je me sens prêt si l'heure du retour devait s'annoncer. J'ai vécu plus de 45 années riches et merveilleuses. Quel beau bilan s'il faut rentrer maintenant ! Et si je n'en suis qu'à la moitié, je me réjouis de la suite, malgré les limitations physiques inhérentes au temps qui passe...
Et qu'en est-il pour vous ?
