Bonjour Sam,
Je réagis aussi à ton "constat d'échec". L'échec c'est de ne pas y arriver, de ne pas y mettre le coeur, d'abandonner ou de découvrir qu'on était pas fait pour la voie qu'on a choisie.
Ce qui t'arrive ne ressemble en rien à un échec. 20 ans, c'est énorme, c'est une génération. 20 ans avec le même boulot, ça n'existe plus tellement dans le monde actuel.
Ce qui me touche le plus, c'est 20 ans d'amour et de soins avec les animaux en sachant quelles sont les contraintes et les obligations que cela implique et là, franchement, il n'y a pas d'échec, j'ai même de l'admiration. C'est un sacré courage que de prendre des décisions et faire des choix, même celui-là ou plutôt, surtout celui-là. Tu aurais pu continuer à te "tuer" à la tâche et ne pas être bienveillante pour toi.
Je vais te raconter pourquoi ta décision me touche et pourquoi je comprends ta tristesse.
Mon mari est né dans une famille d'agriculteurs, par flemme au début, il a choisi de reprendre le domaine familial avec des cultures et du bétail laitier. Tout roulait quand mon beau-père était patron. La conjoncture agricole était idéale, les prix corrects, les conditions de travail étaient donc optimales. Puis, arrivés à un âge où on a besoin de se montrer qu'on peut "y arriver", nous avons dû nous battre et insister durant 2 ans pour que mon beau-père veuille bien lâcher du mou et remettre son domaine à mon mari. Bien que peu passionné à 20 ans, à 30, il était à fond dans son job et voulait développer son travail. A 35, il reçoit enfin l'aval de son père pour reprendre l'affaire, devenir patron et gérer son domaine comme il l'entend. Mais entre temps, la politique agricole suisse, les cadres de productions, les charges etc, tout avait changé. Les paysans devenaient des assistés en raison d'une économie agricole en chute libre.
Il y a 6 ans, pour raison économiques, mon mari s'est vu contraint à renoncer. Il a rendu les terres qu'il louait en fermage, lidiquer son parc à machines et décidé de ne garder que les terres en propriété, d'y faire des cultures faciles mais qui ne rapportent plus rien (céréales, pour exemple, en 1996, le blé rapportait environ Fr. 100.- le quintal, aujourd'hui c'est à peine Fr. 40.-). Mais surtout, et c'est là que ton histoire me touche, il a dû arrêter la production laitière qui l'empêchait de pendre un travail extérieur pour nous faire vivre. Je ne te raconte pas comment il était durant les semaines où ses vaches sont parties, presque l'une après l'autre.
C'était si difficile de se séparer des animaux. Alors bien qu'aujourd'hui encore, quand il entre dans ses écuries où les vélos, motos et autres objets ou machines ont remplacé son bétail, il a un pincement au coeur, mais il sait qu'il a fait le bon choix, pour lui, pour sa santé et pour nous tous. Ça n'empêche pas la tristesse mais ça permet d'avancer.
Je t'envoie plein de douceur pour ces moments difficiles